Deconstructeam / Devolver Digital - Nintendo Switch, PC - Textes et interface en français - 900Mo
Des fois, on tombe un peu par hasard sur des jeux, on ne sait pas trop comment ni pourquoi, et qui s’avèrent être finalement de véritables petites pépites.
Je vous explique. Après avoir terminé Rogue Trader, j’ai été pris d’une envie de jouer à un truc simple, pas trop prise de tête et si vous avez lu le test du cRPG de Owlcat games, vous savez pourquoi.
Une petite voix dans ma tête m’a dit : “hey, pourquoi pas un deck builder ?”. J’ai fait quelques recherches sur les internets, avant de tomber sur “The Cosmic Wheel Sisterhood”, que j’avais déjà repéré il y a quelques mois. A la vue des screenshots du jeu, j’ai constaté qu’il y avait des cartes, et donc tout naturellement, ma petite voix intérieure m’a susurré “hmm ok let’s go !”.
Sauf que voilà, une fois installé, figurez-vous que finalement, TCWS n’avait rien d’un Deck Builder. En fait, il s’agit d’un Visual Novel. Si vous avez lu quelques-uns de mes tests, vous savez que je n’ai aucun problème avec ce genre, que j’apprécie plutôt pas mal. De temps en temps, ces petites expériences “chill” font du bien au cerveau.
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Si cette simple ligne de texte ne vous donne pas envie de jouer, je ne peux rien pour vous.
Je tenais aussi à prévenir mon lectorat plus “sensible”. TCWS est un jeu “inclusif”, c’est à dire qu’il aborde des thématiques (jusqu’à son écriture) liées à la transidentité, au genre et cela transpire par tous ses pores, depuis la représentation graphique de certains personnages, jusqu’à la transcription de ses textes. Cela pourrait ennuyer certains et je ne voudrais pas être responsable de certaines déceptions à cet égard. Personnellement, je n’ai absolument aucun problème avec ça, bien au contraire. Ce n’est jamais un jeu qui pourrait servir une quelconque propagande wokiste ou je ne sais quoi. Le jeu est comme ça, l’univers du jeu est comme ça, c’est un état de fait qui ne tente à aucun moment de vous retourner le cerveau ou de vous convaincre d’adhérer ou quoi que ce soit. C’est une œuvre de fiction, écrite par des gens talentueux qui vivent ces thématiques. J’irais même jusqu’à dire que sur certains aspects, notamment l’écriture inclusive, l’exercice, en tant que joueur montre que finalement, ce n’est pas si terrible que ça.
Ma sorcière mal aimée
Fortuna est une sorcière exilée pour 1000 ans dans une petite maisonnette juchée sur un astéroïde et voguant dans l’univers. Elle est une sorcière cartomancienne, capable de lire l’avenir et le passé à travers ses tarots. Elle a eu l’imprudence de prédire la fin de sa loge de magiciennes, ce qui lui a valu son exil, promulgué par la supérieure tyrannique de la loge, probablement effrayée et paniquée par cette prophétie immuable.
L’aventure commence après 200 ans de cet exil contraint, Fortuna ne peut plus tolérer son isolement et prend la décision d’invoquer un.e Béhémoth : Abramar. L’invoquer est une affaire délicate, les Béhémoths sont des êtres antérieurs au big bang, et les côtoyer a un prix, que Fortuna est bien décidée à payer.
Comme Aedena, la supérieure de la loge a confisqué le tarot de Fortuna, la première action que vont entreprendre la jeune sorcière et Abramar, va être de créer un jeu de tarot d’un genre nouveau, bien plus puissant et précis que le précédent.
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L’invocation d’Abramar va être le déclencheur de bien des événements.
La tempérance
L’essentiel de l’action se déroule donc sur votre petite maisonnette errant dans le cosmos. Vous allez recevoir la visite de divers personnages, principalement d’autres sorcières, qui viendront échanger avec vous. A travers divers dialogues, et parfois de tirages des tarots, Fortuna va influencer le déroulement des événements. Dit comme ça, les choses peuvent sembler banales. Et c’est un peu vrai. Ceci dit, c’est le commun des jeux de ce type. On suit une histoire, les choix que l’on fait au cours de dialogues la font évoluer et traverser des ramifications scénaristiques plus ou moins nombreuses, le tout reposant sur des éléments typiquement vidéoludiques, qui sont représentés ici par le fameux jeu de tarot que l’on va créer et utiliser au fil de certaines rencontres.
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L’interface de création de cartes est amusante. Cela n’influence pas le gameplay, mais avoir vos propres cartes est une excellente idée.
Coup de pouce du destin
Le tarot est donc au cœur du gameplay de TCWS. Le principe est tout à fait simple, mais particulièrement intéressant. Globalement donc, lorsque vous le désirez, vous aurez la possibilité de créer une nouvelle carte de tarot reposant sur 3 piliers : La sphère, l’arcane et le symbole.
La sphère représente le fond de l’image, l’arcane représente le personnage, et le symbole, un accessoire. Chacun possède sa propre signification, et une certaine “valeur” en énergie magique. C’est ainsi que vous aurez la possibilité de créer des cartes aux effets tout à fait uniques. Reposant sur 4 éléments (air, terre, feu et eau), les combinaisons que vous pourrez trouver viendront réellement influencer les différentes interprétations possibles de chaque carte lors des tirages.
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Les cartes ainsi créées proposeront différents niveaux d’interprétation selon les combinaisons choisies.
Bien évidemment, chaque élément a sa propre signification. Le feu représente le pouvoir, la violence, la renaissance (pour n’en citer que quelques-uns), l’air représente la légèreté, la liberté, l’imagination etc.
Il convient donc de créer un deck varié, qui servira aux différents tirages que vous réaliserez au cours de l’aventure.
Prophéties autoréalisatrices
C’est vraiment l’une des parties les plus amusantes de TCWS : lire l’avenir par les cartes que vous avez créé. Cela se fera lorsqu’un personnage viendra vous rendre visite pour un petit tirage des tarots. Ce dernier vous interrogera sur un sujet bien précis. Une carte sera piochée, et selon la combinaison de sphère, d’arcane et du symbole, diverses prédictions vous seront présentées. Vous scellerez donc le destin du personnage à travers cette prédiction, ce qui aura bien entendu une influence sur la suite des événements.
C’est une façon de résoudre les situations de façon assez amusante, puisque de nombreux paramètres seront à prendre en compte au cours de vos sessions de divination. Chaque carte, de par ses combinaisons pourra signifier plusieurs choses. Par exemple : “Justice”, “Pouvoir”, “Tolérance”, “Passion”. De plus, il arrivera que certains personnages viendront vous interroger sur plusieurs sujets, et il faudra choisir avec attention la carte qui vous semblera la meilleure pour telle ou telle question.
Et enfin, lorsque vous aurez assigné une carte à une question, une ou plusieurs interprétations seront possibles. C’est un peu compliqué à expliquer sur le papier, mais croyez-moi, le système est particulièrement efficace, et assigner telle ou telle carte à telle ou telle question posée peut réellement changer l’interprétation possible, avec des conséquences directes, non seulement pour le personnage qui vous interroge, mais aussi sur l’histoire, voire même l’univers tout entier. Gardez bien en tête que les prédictions que vous ferez à travers Fortuna se réalisent toujours !
Inflexible
Quelque chose que j’ai particulièrement adoré avec ce jeu, c’est que l’histoire, ou plus précisément, la façon dont les événements se déroulent. La toile se découvre petit à petit, de façon totalement maîtrisée par Deconstructeam. Au début du jeu, on ne comprend pas trop ce que l’on fait là, et on se contente de tirer un petit bout de ficelle qui vient délier une histoire un peu floue. Et puis, on tire la ficelle, jusqu’à arriver à un embranchement. On continue à tirer, et ainsi de suite, jusqu’à dévoiler une toile immense.
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Petite pause lecture intéractive.
On comprend de façon très progressive tous les tenants et aboutissants de cet univers et des personnages que nous avons la chance ou le malheur de côtoyer. Mais… Est-ce que l’on se contente de tirer une ficelle en fin de compte ? Ne serait-on pas plutôt en train de tisser cette toile de toutes pièces ? Comprenez par là que derrière des bases vidéoludiques relativement “simples” (certains pourraient qualifier ça de pauvre, et je peux le comprendre), tout le travail d’écriture et de cohérence réalisé par les développeurs est colossal.
Mieux encore, le jeu vous propose un “new game plus” lorsque vous arrivez au terme du jeu, qui a le potentiel de vous faire chauffer encore plus le cerveau (à l’heure où j’écris ces lignes, j’ai une seconde run en cours). Le travail d’écriture est exemplaire, tant sur le déroulé de l’histoire que sur les personnages, qui en passant sont tous très attachants, même les plus antipathiques. Je rappelle toutefois que le jeu aborde des thématiques de façon plus ou moins directe qui pourrait heurter la sensibilité de certains (et c’est bien dommage qu’ils puissent le vivre ainsi) : la transidentité, le sexe, la déconstruction, le paternalisme, la masculinité etc…
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J’ai tellement de choses à te demander…mommy.
Pixellomancie
Graphiquement, TCWS est aussi très joli. Le jeu est entièrement en pixel art, avec une palette de couleurs très riche et étendue. Malgré ses “gros” pixels, le style se veut assez réaliste et agréable à l'œil.
Ici, pas de simplicité, le style se veut très réaliste (pour du pixel, je le rappelle), et on imagine le travail colossal des graphistes à l'œuvre. Les graphistes se sont payé le luxe de représenter les personnages dans des sprites immenses, plutôt détaillés, sous différents angles. On imagine la quantité de travail monstrueux derrière. Il est aussi à noter que le jeu est néanmoins assez statique. Les animations sont très limitées, mais étrangement, cela ne m’a pas dérangé le moins du monde. On sent bien qu’il s’agit d’un choix de direction artistique plutôt qu’une contrainte technique, ou plus simplement une contrainte de personnel.
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Certains décors sont très agréables à regarder. Malheureusement pour les yeux, ils sont rares.
Quant à la musique et au sound design, c’est aussi de très bonne qualité. Les différents thèmes musicaux sont très agréables à écouter, très “chill”, ne sont pas omniprésents ni entêtants. En bref, ils illustrent parfaitement ce que l’on a sous les yeux. Quant au sound design, il en est de même. Il ne faudra pas vous attendre à un des effets sonores tape-à-l’oeil, puisque finalement, il ne se passe pas grand chose (au sens explosif du terme) à l’écran. Je regrette cependant l’absence de doublage évidemment, mais j’imagine que cela aurait représenté un coût énorme pour un studio indépendant. Parfois, il vaut mieux ne pas faire quelque chose que de le faire mal.
Conclusion
Concrètement donc, pour un jeu indépendant coûtant moins de 20 euros, très bien écrit, très bien réalisé dans son ensemble, et possédant des mécaniques originales, le constat est plus que positif. The Cosmic Wheel Sisterhood propose un voyage plus qu’agréable au côté d’une ribambelle de personnages hauts en couleurs, dans un univers magique plus qu’original et qui aborde plein de thématiques philosophiques très intéressantes. Personnellement, je suis comblé, et c’est tout ce que j’attendais par ailleurs, même si au départ, je m’attendais à jouer à un jeu type deck building. Une excellente surprise que je ne saurai que vous conseiller.
Verdict :
- C’est plutôt joli
- Une écriture très maîtrisée, et des embranchements à foison.
- Le système de création de carte qui ouvre énormément de possibilités.
- Des personnages très attachants.
- Un univers singulier.
- Des thématiques abordées sans filtres, sans excès, et pour les plus réticents, qui ne vous obligent jamais à rien.
- Potentiellement rejouable 2 ou 3 fois, voire plus.
- Certaines révélations peuvent donner le vertige quand on veut bien s’impliquer dans l’histoire.
- Des petites erreurs de traduction mineures (2 ou 3 conjugaisons, des fautes typo par exemple)
- Rien d’autre
- MA fin, très très amère, mais c’est le jeu ma pauvre lucette :)
Un doublage
Coffee talks, The red String Club, I was a teenage exocolonist
Les yeux C’est très joli, très maîtrisé mais aurait peut-être pu être un peu plus extravagant pour coller à un univers “magique” |
7/10 |
Les oreilles Tout va bien, maiiiiis, aurait pu être un peu plus extravagant aussi :) |
7/10 |
Les mains Simple, efficace, une UI simple mais très fonctionnelle, tout va bien ! |
8/10 |
La plume Maîtrisé, de A à Z |
9/10 |
La patience Une bonne durée de vie pour ce type de jeu (une douzaine d’heures), avec une bonne replay value. |
8/10 |
Le porte monnaie Moins de 20 euros. Que demander de plus ? |
7/10 |
Le coeur J’ai adoré, vous l’aurez compris ! |
9/10 |
Total : |
7.9/10 |
Fiche technique :
- Genres : Visual Novel
- Développeur : Deconstructeam
- Editeur : Devolver Digital
- Langues : Français, Anglais etc…
- Plateformes : Switch, PC
- Prix : 17,49 €
- Taille : 1,46 Go
- Date de sortie : 16 Août 2023
- Magasins : Steam / GOG / Nintendo eShop
Merci pour votre lecture ! 
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4 Commentaires
Je ne me serais pas du tout arrêter sur ce jeu indé, sans cet article.
Mais pour le coup, il donne envie, si je trouve du temps.
Je mets ça de côté :D
https://www.nintendo.com/fr-fr/Jeux/Jeux-a-telecharger-sur-Nintendo-Switch/The-Cosmic-Wheel-Sisterhood-2429672.html#gameDetails